L’élection présidentielle du 5 octobre en Tchétchénie marque pour
M. Poutine «l’aboutissement du processus de normalisation dans cette république » dont la précédente étape avait
consisté dans la tenue du référendum de mars 2003 depuis avril dernier.
Confronté à la
situation sur le terrain, ce discours n’est que duperie. En réalité, la situation des droits de l’Homme s’est
encore aggravée :
- Le nombre total de crimes commis contre la population civile a nettement
augmenté notamment les enlèvements et les disparitions forcées,
- Les opérations ciblées ont un
caractère plus systématique et plus ostensiblement punitif,
- Ces opérations visent de plus en plus les
femmes lesquelles sont victimes de tortures, de viols et d’assassinats,
- Les militaires russes et les
collaborateurs des services secrets prennent maintenant pour cible non seulement les personnes soupçonnées de
sympathie envers les groupements armés tchétchènes ou occupant une position civile active, mais aussi tous les
membres de leurs familles,
- Les défenseurs des droits de l’Homme qui rencontraient déjà auparavant de
très grandes difficultés à mener leurs activités et encouraient des risques importants sont devenus également
une cible privilégiée de ces opérations,
- Enfin, les forces russes ont commencé à élargir la zone de
la soi-disant « opération anti-terroriste » aux territoires limitrophes de la Tchétchénie, en particulier,
l'Ingouchie. Le conflit commence ainsi à s’étendre à tout le sud la Russie.
La FIDH publie
une note (http://www.fidh.org/europ/rapport/2003/tch0310f.pdf) détaillant l’ensemble de ces éléments, qui
caractérisent la phase actuelle du conflit en Tchétchènie.
Par ailleurs, la FIDH insiste sur
le caractère illégitime des élections du 5 octobre dont la préparation comme la tenue sont et seront entachées
de graves irrégularités. Notre organisation souligne notamment que les principaux rivaux de Kadyrov, le chef de
l’administration pro-russe, ont tous suspendu leur candidature à l’issue de marchandages, de pressions diverses
et de tracasseries administratives. Les élections du 5 octobre comme le référendum interviennent dans un
contexte de guerre et de terreur incompatible avec la tenue d’élections libres et démocratiques.
La FIDH considère à cet égard que les motifs « de temps et d’organisation » invoqués par le Conseil de
l’Europe pour ne pas observer l’élection du 5 octobre sont une façon pour le Conseil d’échapper à ses
responsabilités. Soit le Conseil de l’Europe considère que ces élections sont légitimes et auquel cas - au
regard du contexte en Tchétchénie connu par la communauté internationale et le mandat de cette institution –
tout devait être mis en œuvre pour assurer leur observation ; soit le Conseil considère qu’elles sont contraires
aux principes démocratiques auquel cas, son devoir était de le faire savoir publiquement. L’hypocrisie de la
communauté internationale est une nouvelle fois patente.
La FIDH considère que ces deux
scrutins participent d’une même stratégie qui vise à «tchétchéniser» le conflit. Avec ses élections, Moscou
souhaite donner l’impression que le pouvoir est rendu aux Tchétchènes et donc que la responsabilité de la
poursuite du conflit et du désastre humanitaire leur incombe à eux seuls .
Or, c’est au
pouvoir russe qu’incombe en premier lieu la responsabilité des violations des droits de l’Homme contre la
population civile comme en témoignent les évènements qui ont entouré la campagne référendaire de mars 2003.
En effet, pendant les trois semaines qui ont précédé le référendum, on a pu noter une évolution
positive dans le comportement des représentants des forces russes. A la suite de l’intervention à la télévision
de V. Poutine, le 17 mars, au cours de laquelle il a soutenu l’organisation du référendum, le nombre
d'enlèvements et d’assassinats a baissé de façon très significative.
Ceci invalide de façon
explicite les arguments avancés par le Kremlin selon lesquelles les violations des droits de l’Homme en
Tchétchénie sont dues aux excès de militaires indisciplinés sur lesquels les hauts responsables politiques et la
hiérarchie militaire n’ont pas de contrôle. Si une opportunité politique se présente, le pouvoir central est
capable de modifier le comportement de ses forces sur le terrain et veiller à ce que les violations cessent en
Tchétchénie.
C’est donc bien la volonté politique d’engager un processus pour mettre fin à
cette guerre qui fait défaut au plus haut degré de l’Etat russe. Les plus hautes autorités politiques, au
premier rang desquelles le Président, en tant que « garant des droits et libertés de l’Homme et du citoyen »,
sont par conséquent pleinement responsables des violations des droits de l’Homme commises en Tchétchénie.